Constructions

«Le camp nouvellement construit peut contenir 15 000 hommes; actuellement il n'est occupé que par 11 000 personnes. Les frais de construction ont été de 1 1/2 million de marks. L'édifice n'est pas encore entièrement achevé¹.»

Les débuts

Au départ: «nous menions l'existence rudimentaire des hommes primitifs. Nous habitions de petites huttes aux toits pointus, qui donnaient à notre camp l'aspect d'un de ces villages nègres, comme on voit dans les expositions. A côté de nous lentement comme des gens qui ont le temps des ouvriers travaillaient bien à bâtir de larges baraques, à brancher des fils électriques, à confectionner des routes mais ils ne nous intéressaient pas. (...) Des mois sont passés, les pittoresques petites huttes ont disparu depuis longtemps, nous habitons les baraquements²...»

«Ces abris, nous dit-on, nous sont destinés en attendant que les baraques soient construites. Nous pénétrons dans notre dortoir qui n’a rien de moderne; on ne peut s’y tenir debout et il y fait noir comme dans une cave. Au centre une toute petite allée, de chaque côté on a étendu par terre de la paille en petite quantité ; pour oreiller une motte de terre recouverte de paille ; aux extrémités les deux issues ouvertes à tous les vents³.»

Baraques

Les archéologues ont découvert des restes de poteaux en bois qui soutenaient les baraques. Ils ont donc pu en déduire qu'une baraque faisait 50 mètres de longueur sur 15 à 20 mètres de largeur en moyenne.

Afin de nous permettre de mieux visualiser la zone occupée par une baraque, le coordinateur de projet, Jens Brauer, a planté des piquets qui matérialisent chacun un poteau.

Lors des fouilles, de nombreux fragments de papiers goudronnés ont été exhumés. Ceci corrobore les témoignages selon lesquels les baraques étaient faites de planches de bois et leurs toits recouverts de papier goudronné.

Grâce aux résultats des fouilles, à des photographies et à des témoignages, je peux vous proposer la restitution d'une baraque début 1915.

Cependant, de nombreuses briques ont également été trouvées. Cette découverte a donné lieu à de nombreuses discussions puisque rien ne laissait présager que des constructions utilisant ce matériau avaient existé dans le camp.

En fait en étudiant les photographies, nous voyons que des briques ont été utilisées dans la construction des cuisines.
Je vous en propose ici une restitution basée également sur un dessin du Tuyau.

Eau et électricité

Une des trouvailles les plus impressionnantes a été celle de restes de canalisations, doublée par la découverte de puits, cela implique que les prisonniers avaient l'eau courante.

Cette découverte est confirmée par la photo ci-dessous (communiquée par M.DUBOURDIEU), qui nous montre des prisonniers regroupés autour d'un point d'eau.

Des fragments d'isolateurs électriques en porcelaine, ont été retrouvés sur le site ce qui nous prouve bien que l'électricité arrivait au camp.

Barbelés

Nous savons grâce à des témoignages et à des photos que le camp était entouré de fils barbelés dans le but logique d'empêcher les évasions mais aussi de couper les prisonniers du monde extérieur. "De tous les champs de fleurs, de tous les vergers s'élevait, dans la douceur attiédie d'un beau ciel, un flot grisant de parfums. L'atmosphère en était étoffée. Affaiblis déjà par un hiver sans feu et une nourriture sans nom, déprimés par l'air âcre et fétide respiré dans les baraques bondées de Russes et de Français mélangés, nous nous approchions le plus que nous pouvions des réseaux barbelés pour regarder la verdure extérieure et retrouver la vie d'un air plus pur. J'allais donc chaque jour durant quelques instants, tenu à distance par la menace des balles, contempler à travers le lacis roncé des grillages un grand arbre s'échevelant dans le ciel. Séparé par la mort et le sang du soleil qui dansait à quelques pas de moi dans les prés, je sentais atrocement ma misère et j'enviais le sort des corbeaux qui tourbillonnaient dans l'air libre⁴."

Les fouilles nous ont démontrés qu'il existait deux rangées de barbelés séparées par un couloir libre (ayant pu servir de chemin de ronde). "Le Tuyau" nous apprend même que ces barbelés étaient électrifiés.

Plan

Une autre grande surprise était contenue dans une photo d'époque. Il s'agit d'une photo représentant le monument du camp (ci-contre).

Au départ, nous pensions que la plaque blanche que l'on entrevoit, était une plaque portant une inscription quelconque. Puis, un jour, Thomas WOZNIAK a dessiné des formes à partir de ce qu'il entrevoyait sur la photo. Et là, surprise! Ces figures formaient un plan! C'est ainsi que le plan du camp a été découvert. Il a donc été possible de redessiner ce plan et même de localiser la zone de fouilles.

De plus, nous savons grâce à des sources écrites ("Le Tuyau") que le camp était divisé en 2 bataillons, divisés chacun en 2 sections (soit 4 sections au total). Chaque section est équipée d'une cuisine.





















Chaque section est divisée en 2 compagnies (soit 8 compagnies au total). Les compagnies sont séparées les une des autres par des barbelés.
Il est important ici de noter que nous avons opté pour le terme "compagnie" alors que la traduction littérale du "lager" allemand est "camp", mot d'ailleurs employé par les prisonniers eux-mêmes. Mais le mot "camp" étant déjà utilisé pour désigner l'ensemble du camp, cela engendre des confusions. Nous avons donc utilisé le mot "compagnie", comme le faisait la Croix-Rouge à l'époque pour les mêmes raisons que nous aujourd'hui.

Photo panoramique communiquée par M.DUBOURDIEU.

Sources

Photos d'époque (sauf mention contraire): Hôtel de ville de Quedlinburg.

Photos couleurs: Davye GERBAUD.

Reconstitutions: Davye GERBAUD

¹Extrait du rapport du conseiller A.EUGSTEL, février 1915, CICR, Genève, mai 1915.

²Extrait du "Tuyau" n°6, p. 1 (19 août 1915).

³Extrait des souvenirs de guerre de Marcel RIEGEL.

⁴Meunier Mario, Un camp de représailles, Nancy, Berger-Levrault, 1919, p. 16-17.