Les loisirs

L'ennemi numéro 1 du prisonnier était le cafard. "Dès qu'il est atteint, le malade présente des symptômes des plus faciles à reconnaître. Au dehors vous le verrez se promener, solitaire et les yeux obstinément fixés sur la pointe extrême de ses souliers¹."
Au départ, même la lecture était interdite: "Bien mieux, durant ces atroces premiers mois, défense absolue nous était faite de posséder un livre. Quelques volumes pourtant circulaient sous le manteau dans le camp. Des prisonniers français, en passant à Hirson, avaient pu emporter dans le fond de leurs poches quelques ouvrages soustraits à la bibliothèque des sous-officiers de ce fort. Or, comme un jour j'essayais d'oublier puanteur et vermine en relisant les aventures de l'Illustre Gaudissart, le capitaine de compagnie, celui-là même qui me saluait avec une si peu cordiale affection, me surprit en lecture: - Vous lisez? Donnez-moi ce livre, dit-il en s'avançant vers moi. Il feuilleta les premières pages, examina la reliure, s'arrêta sur le titre et s'écria: - Vous aussi, Monsieur, vous lisez des romans! Je ne puis vous le permettre. Ce livre doit être sévèrement examiné par la censure. Je ne pourrai vous le laisser que si l'autorité allemande l'estampille. Il me salua avec le mépris austère que peut avoir la vertu pour le vice et disparut en emportant ce Balzac. Je ne le revis plus²."

Heureusement, cela changeât rapidement. Il exista bientôt divers loisirs dans le camp:
-l'écriture qui consistait à tenir un petit journal de sa captivité (ce qui pour nous constitue un formidable témoignage). Certains (comme Florent Aufschneider) comptent les jours de captivité en barrant chaque jour qui passe sur un calendrier (voir photo ci-contre communiquée par Odile Izrar Blin).
- la promenade qui consistait à faire le tour du camp et qui, par conséquent devenait assez vite monotone (sans compter les problèmes liés au climat).
- le travail personnel (sculptures sur bois, taille...) qui avait le mérite, en plus d'occuper, de rapporter quelques sous en plus (vente aux camarades, à la Kommandantur, aux civils...) ou de pouvoir ramener des souvenirs de sa captivité. En voici un exemple ci-dessous (photos aimablement communiquées par Benoit FIEF, après sa découverte de cette boite dans une brocante).
- les jeux calmes, tels que le bridge ou la marelle assise. "(…) le salon des bridgeurs réunis où toutes les armes sont représentées, (Mr le Comdt Lippens directeur, Mr le capitaine Batterie, le plus bel artilleur de France, 1er adjoint)³".
- la lecture notamment grâce à la création d'une bibliothèque: " Du 15 août au 4 septembre, nous avons par les échanges et le roulement donné satisfaction à 317 demandes, le camp ne comptant guère que 150 français et les livres n'étant prêtés que pour 8 jours cela représenterait à peu près un livre par homme et par semaine! C'est là un beau résultat4!"
La lecture du Tuyau était également très appréciée et engendrait de plus des conversations plus ou moins animées.
- le sport, qui permettait en plus de "garder la forme" de mettre en place des compétitions.
- l'orchestre, qui organisait des concerts.
- le théâtre, qui organisait des soirées spectacles. "Mené avec entrain par la troupe homogène que dirige si habilement M.Camille Larché, ce petit Vaudeville a obtenu le succès de fou-rire qu'il mérite5."