La nourriture

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Dans le camp, de la nourriture était servie par les autorités: "Pour l'histoire et pour ceux de nos lecteurs qui mangent leur soupe sans se rendre compte de ce qu'ils savourent, voici l'un des menus officiels de la semaine passée¹:

Matin Soir
Dimanche Haricots verts,
mouton
Pommes de terre
Lundi Orge,
Boeuf
Potage salé
Mardi Poisson,
pommes de terre
Riz aux fruits secs
Mercredi Carottes,
porc
Pommes de terre,
harengs saurs
Jeudi Purée pommes,
boeuf
Orge
Vendredi Poisson,
pommes de terre
Fèveroles
Samedi Haricots,
mouton
Semoule de maïs

Les fouilles ont démontré que le poisson provenait essentiellement de l'Atlantique Nord et était séché. La viande quant à elle, ressemblait essentiellement à de la farine d'os. On mélangeait cela à de l'eau et on obtenait un bouillon plus ou moins appétissant:
"C'était en novembre 1914 au camp de Quedlinburg. Depuis un mois déjà, quoique partout alors en Germanie on regorgeât de vivres, nous n'avions pour toute nourriture, outre le pain et la décoction de glands grillés du matin et du soir, qu'une simple soupe à midi. Quelle soupe! Les quelques pommes de terre pourries qui nous étaient allouées étaient, après un lavage sommaire au robinet, versées non épluchées dans les marmites. Quelques carottes fourragères s'y ajoutaient avec leurs fauves et coriaces pelures, et la viande qui cuisait dans ce bouillon, aussi noir que l'eau fétide d'un égout, n'était, pour la plupart du temps, que de la tête de cheval avarié. L'odeur de cette "tambouille" était telle que nous étions parfois, pour ne point trop empuantir la chambrée et parvenir tout de même à manger, obligés de la servir en plein air²."

On le comprend aisément, les français évitaient de s'alimenter avec la nourriture servie. Ils se sont, principalement nourris grâce aux colis de nourriture envoyés par leurs familles, les marraines de guerre, ou certaines oeuvres de bienfaisance.

"Nos colis arrivaient au complet et en assez bon état. Le beurre toutefois, vieux de plus d’un mois, nous parvenait avec un petit goût de rance. Comme nous ne voulions cependant pas le jeter, il nous vint à l’idée pour l’utiliser de faire des pommes de terre sautées. Un prisonnier de notre baraque travaillant à la cuisine, nous le prions de nous rapporter des pommes de terre et le 23 février à 11 h ½ nous étions attablés tous les trois autour d’une cuvette de pommes de terre sautées que nous savourons avec délices. Le plaisir fut d’autant plus grand qu’il y avait bien longtemps que l’on n’avait pas goûté à pareil mets. Vous avouerez qu’il n’y a pas de quoi se réjouir parce que l’on mange des pommes de terre sautées. Je suis entièrement de votre avis quand jamais rien ne vous a manqué. Mais quand on a vécu, comme nous vivons depuis des mois, avec la nourriture que vous connaissez, à peine suffisante pour nous soutenir, privés comme nous l’étions de tout superflu, ne connaissant plus le goût d’aucun bon plat et bien je vous certifie que le moindre extra, le moindre petit plat que nous faisons nous-mêmes, y compris des pommes de terre sautées, nous paraissait d’un goût inexprimable et nous donnent l’impression d’être à un grand festin. On ne connaît pas la valeur des choses quand on n’a pas subi les affres de la faim mais quand on a enduré ces heures pénibles pendant des mois, on apprécie le plus petit extra à sa juste valeur³."

Ils avaient également la possibilité d'acheter des vivres à la Kantine (sucre, limonade, jambon cigarettes...). Mais, les prix pratiqués étaient en général assez élevés.

cantine

Pour les prisonniers russes, les choses sont plus compliquées car leur quotidien n'est pas amélioré par des colis de nourriture, comme le confirme ce témoignage : "Depuis quatre à cinq mois, à la place de petits bouts de viande fraîche cuite avec la soupe, on nous donne de la viande en conserve, du bœuf en conserve parfois, de la morue souvent ainsi que du chien, ceci est absolument véridique. Or ce jour, la chaleur étant déjà assez forte, lorsque le baquet de soupe pénétra dans la baraque ce fut une infection épouvantable à un tel point qu’aucun des Français n’alla chercher sa cuvette de soupe. Les pauvres Russes ne recevant aucun paquet furent bien obligés de la manger et nous les plaignirent sincèrement³."

Le camp de Quedlinburg avait une particularité: sa boulangerie.

boulangerieboulangers

Sources

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Photos de la boulangerie: Doegen, Wilhelm/Kappstein, Theodor: Kriegsgefangene Völker. Berlin: Verlag für Politik und Wirtschaft.

¹Extrait du "Tuyau" n°5, p. 5, 12 août 1915.

² Témoignage extrait du livre Meunier Mario, Un camp de représailles, Nancy, Berger-Levrault, 1919, p. 9-10.

³Extrait des souvenirs de guerre de Marcel RIEGEL.