La correspondance

séparation verso d'une carte

Comme dans tous les camps, les prisonniers envoient des lettres. Celles-ci portent la mention Kriegsgefangenensendung (envoi d'un prisonnier de guerre).

Toutefois, ce courrier était soumis à un règlement:

- le papier servant à la correspondance devait être acheté à la Kantine (1 pfennig);
- la lettre devait faire 4 pages de 18 lignes maximum (le format étant de 13 * 10 cm);
- la carte devait faire 9 lignes;
-le courrier devait impérativement être écrit au crayon (à l'aniline) mine noir ou bleu;
- le nombre de courrier envoyé était limité à une carte postale par semaine et une lettre tous les 15 jours.

Au départ, il n'est pas permis aux prisonniers de recevoir "eau de Cologne, tabac, cigares, cigarettes, chocolat, livres anglais¹."
Nous savons que cette interdiction du tabac sera levée car des prisonniers accusent réception de cette denrée dans leurs courriers.

encrier

Bien sûr, chaque correspondance était lue par la censure (il était interdit de se plaindre). Il en était de même pour le courrier ou les colis reçus. Tout était lu et systématiquement vérifié. Il fallait en moyenne un mois pour que la réponse à une lettre arrive à son destinataire.





Le fait que les prisonniers aient reçu des colis est confirmé par les Porcelaine française trouvée lors des fouilles. Il a aussi été trouvé des bouteilles de bière en provenance de Reims, de la porcelaine française…

bolsbouteilles












Les colis renfermaient de la nourriture, de la boisson, des vêtements.

Il y a toutefois des soucis avec le pain:
"Sur le désir du Syndicat d'Initiative de Saint-Etienne, l'Agence des prisonniers de guerre de Genève avait bien voulu télégraphier au commandant du camp de Quedlinburg pour savoir si des expéditions comprenant 4.600kilos de pain arrivaient bien à destination. Voici le texte de la réponse : "Envois de pain arrivent régulièrement, mais la plus grande partie est moisie; ce qui est bon est distribué, ce qui est avarié est jeté."
"Ainsi s'affirme de plus en plus la nécessité pour les familles françaises de s'abstenir de tout envoi de pain ordinaire et de n'expédier que du pain recuit ou du biscuit militaire, très apprécié comme l'ont constaté nos délégués", ajoute l'Agence Internationale de Genève. Nous ne saurions trop insister sur ce point²."

"En avril 1916, les colis postaux atteignent le chiffre de 34 000 par mois. De grands camions les amènent journellement de la gare³."

Comme nous le montre ces extraits du "Tuyau", les colis, comme les lettres d'ailleurs, sont très attendus des prisonniers.
"Une signature et vous voilà face à face avec le colis, parfois si impatiemment attendu. A elle seule l'adresse écrite avec tant de soins vous révèle toute la sollicitude de ceux que vous avez laissés là-bas... au pays4!" (Pour lire la suite, cliquez ici)

"Aurai-je une lettre demain? Chaque soir, à l'heure où dans le camp tout s'endort, combien d'entre nous rêvent aux êtres chers et se posent cette simple, mais troublante question5." (Pour lire la suite, cliquez ici)

Il y a tout de même quelques soucis avec des colis qui n'arrivent pas entiers (les prisonniers s'en plaignent d'ailleurs à la délégation espagnole le 15 janvier 1917). La correspondance des prisonniers se limite alors souvent à lister ce qu'ils ont reçus (ce qui permet de comparer par rapport à ce qui a été envoyé).
Pour les prisonniers, les responsables tout désignés sont les allemands.
En décembre 1916, un courrier envoyé par une femme à son mari prisonnier (Georges DAUVERGNE) attire l'attention des autorités allemandes.
Il contient en effet une coupure de journal expliquant qu'un facteur français volait dans les colis destinés aux prisonniers.
La Kommandantur saute alors sur l'occasion et ordonne que l'on affiche cette copie (voir ci-dessous) dans les logements des prisonniers (y compris dans les Arbeit Kommandos) afin qu'ils sachent que c'est en France qu'on vole leur colis.

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Courrier de l'administration du camp de prisonniers6

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Côté France, cet échange de courriers avec les prisonniers en Allemagne donne lieu à un article pour le moins curieux dans le journal "La Croix", numéro 10 775 du 20 avril 1918 (en page 4):
"Qu'est-ce encore que cette abominable invention ?
On a raconté récemment que, en certaine localité de Vendée, plusieurs personnes auraient été assez sérieusement incommodées après l'ouverture de lettres de prisonniers détenus au camp de Quedlinburg, en Saxe. Des lettres d'autre provenance ont eu le même effet.
Les Boches ont, sans doute, trouvé le moyen de glisser dans les enveloppes des lettres de nos prisonniers ou dans l'encre dont ils se servent des produits chimiques véhiculant un poison.
Où s'arrêtera donc l'ingénieuse férocité de ces assassins ?"



Sources

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Carte postale: archives personnelles.

Photos: Kathrin Ulrich pour le Landesamt für Denkmalpflege und Archäologie Sachsen-Anhalt.

¹ Extrait de "l'Intransigeant" du 13 mars 1915.

² Extrait du "Bulletin Meusien", 5 août 1915.

³ Extrait du rapport de M.M Dr A. von SCHULTHESS et F.THORMEYER, 26 avril 1916.

4 Extrait du Tuyau n°4, p. 2, 5 août 1915.

5 Extrait du Tuyau n°7, p. 6-7, 26 août 1915.

6 Registre de l'Hôtel de ville de Quedlinburg.