Et les femmes ?

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Une question que l'on peut légitimement se poser est celle du manque des femmes pour les prisonniers. Comment les hommes mariés supportaient-il la séparation d'avec leur femme ? Comment les jeunes hommes assouvissaient-ils ce besoin inné de plaire à la gent féminine ?

Un article du journal du camp, le "Tuyau" nous parle justement de ce sujet :

Si la continence est une vertu, ce n'est pas évidemment celle par quoi se distingue plus spécialement la race gauloise et si nous osons, plutôt en victime qu'en apôtre en traiter aujourd'hui c'est que, comme la patience, d'heureuse mémoire, les circonstances l'ont pour nous élevée à la hauteur d'une institution.
Certes, la continence est louable, mais c'était aussi avant la guerre, une toute petite vertu d'arrière-plan, à laquelle personne, sauf de très rares intéressés, ne songeait à dresser des couronnes, une de ces petites vertus qu'on traitait à la façon des parents pauvres, avec un certain mépris.
Des moralistes austères, ont bien sur ce sujet rédigé à l'usage de la jeunesse des sentences froides et rébarbatives comme des formules mathématiques. Ils ont franchement perdu leur temps. C'est que le Français n'est pas seulement né malin, comme l'a judicieusement remarqué ce moraliste du XVIII è siècle, qui s'appelle Boileau, et vivait d'ailleurs au XVIIè, il est aussi né galant et montre généralement plus de goût à jouer les "Lovelace" ou les "Don Juan" qu'à figurer les "Joseph".
La continence est rarement son fait et nul ne saurait l'en blâmer, puisqu'il obéit aux plus sages recommandations de la Providence qui, par l'organe de ses représentants a dit à la créature: "Allez croissez et multipliez".
Et ceci nous amène à poser un principe, contrairement cette fois à ce qui a été dit de la patience, que la continence est, parmi les vertus, de celles qui ne sont pas recommandées pour approcher le type idéal du parfait citoyen.
La continence est d'ailleurs morte à l'origine même du monde, le jour où notre premier père, dans ce lieu d'innocence et de pureté qu'était pourtant le paradis terrestre, ne sut résister aux charmes de sa compagne, depuis l'attirance des sexes est universelle, on s'est battu pour Hélène, on s'engage pour une "Casque d'or", même quand elle doit s'en servir aux plus pures fictions la passion se déchaîne et l'on a vu dans des agglomérations de mâles où ne pénètre jamais d'Eve tentatrice, sur des poupées factices s'allumer des désirs et baver des curieux.
Le bonhomme Lafontaine qui connaissait son monde, a dressé de ce penchant un tableau saisissant dans cette fable où le premier vers est déjà tout un drame. "Deux coqs vivaient en paix, une poule survint".
La continence n'est pas toujours une vertu, c'est quelquefois une contrainte ou une nécessité.
Les principaux contingents, outre les cinq grands que tout le monde connaît sont, à ce titre définitif: les Abélards, les gardiens du sérail et certains chanteurs fort réputés; et à titre provisoire, les vannés, les fauchés, les athlètes désireux de parfaire leur forme et les prisonniers.
Ceux-ci sont dans le lot les moins bien partagés, ignorant l'époque où se réveilleront leurs facultés créatrices présentement dans le coma, et condamnées jusque-là à méditer sur l'impénétrabilité des voies de la nature.
Mais assez sur ce pénible sujet. Qu'on m'excuse ces divagations: on ne traverse pas impunément quinze mois de régime anormal. Et puis la Ste Catherine est venue me rappeler ces jours heureux où les gaies midinettes en théories babillardes et froufroutantes, le chef orné de la traditionnelle coiffure aux rubans chatoyants sèment sur leur passage, leurs sourires et leur gaîté.
On rit, on boit, on chante; Catherines et suivantes rivalisent d'entrain et de bonne humeur, et mes regrets sont d'autant plus amers que j'en sais plus d'une qui le soir, légère et mutine, jette son bonnet par-dessus les moulins.
Geo¹."

Une histoire d'amour

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Dans le camp de prisonniers de Quedlinburg, on trouvait seulement des hommes.

Il arrivait pourtant que ces hommes côtoient des femmes lors de travail dans des fermes par exemple ou à l'hôpital.

Dans certains cas, des histoires d'amour entre prisonnier et civile allemande ont vu le jour.

Des prisonniers, comme René CHICOISNEAU évoque le sujet dans leur correspondance.
Lui parle en 1918, d'un certain DUVIN (dont la soeur habite Mont-de-Marsan dans les Landes) qui est amoureux de la fille d'un des gardiens du camp et doit l'épouser semble-t-il avec l'accord des parents.

Moins sujette à discussion, une correspondance entre une "petite chérie allemande" et son "amoureux étranger", le prisonnier Vital VERNET ne laisse planer aucun doute sur l'existence de relations entre allemandes et prisonniers.

Sources

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¹Extrait du "Tuyau" numéro 21 p. 2, 2 décembre 1915.